Accouche

Accouche-toi de ton poème
des mots primaires
enfante une forêt
et dans ta plénitude de racine-mère
pousse l’écorce
la détresse du post-partum
en oubliant ton nom
– seul compte l’arbre vivant de la création.

Ma navigatrice

Ma navigatrice n’est plus compatible
avec le point GPS
qui m’assigne à être ici
mes pieds de sable fourmillent sur la rive
l’horizon décroche
le soutien-gorge des injonctions
laisse-toi embrasser d’ailleurs
aime ta créole
détache ses cheveux
laisse couler sa veine frisée
en traversées
ton squelette de souvenirs a besoin de migrer
corps étranger
mu par l’exsudat du rêve.

Lierre

Le lierre n’est pas
une fraction à partager
chaque feuille, chaque extrémité
nourrit le déploiement du pied entier
ainsi pousse également notre liberté.

Doutes

Je ne suis jamais tout à fait sûre
– de quoi peut-on l’être ?
Vous me paraissez grands
dans vos certitudes-cimes
mais je ne suis pas petite
parce que le doute m’habite
vos assertions me paraissent
extrêmement fragiles
– l’ascension d’une âme
ne requiert-elle pas une très grande modestie ?
Les sommets m’intimident.

La couleur

La couleur de nos sexes
ne fait pas de nous des sœurs
pas plus que le territoire
ne fonde une nation
l’endroit d’où nous parlons
ne dit pas tout
de l’individu que nous portons
du pavillon que nous hissons
de la frontière que nous gommons
les langues
les silences
les différences
nous les troquons
nous les tronquons
au souffle vivant du monde
pour toujours moins d’uniformisation.

Silanxieuse

Me retrouver seule
silencieusement polyphonique
souci des miens
souci des autres
souci de soi
souci du monde
chaleur des bois
et l’envie soupirante
que le vent soulève toute cette nasse loin de moi.

Cris

Peut-être es tu née pour incarner le cri ?
Pour hurler aux mystères de ta jeune vie, ta jalousie ?
Pour exiger des Parques une merveilleuse tapisserie ?
Pour défier les lois de l’harmonie ?
N’empêche, jeune furie chérie,
je respecte ton timbre haut ;
Sûr, tu n’es pas n’importe qui.
L’Infante Sirène d’une île sous la Lune
qui déchire la monochromie.

Ode

Tu mériterais une ode
pour ton petit corps pâle
pour l’ombre discrète qu’il répand en caresses
sur la terre, les fleurs, les arbres, les êtres
tu mériterais une ode
pour tous les mots que tu dis
qui abreuvent le terreau de mon être-puits
tu mériterais une ode
pour la douleur illégitime que tu portes
pour tes cris sans bruit
pour ta colère mélancolique
pour la patience que je t’envie
pour l’obstination de ton désir
tu mériterais une ode
et voilà celle que je t’écris.