Les blés sont dorés désormais

Les blés sont dorés désormais
et ta vie s’allonge, comme la rose joufflue,
à l’ombre des matins et des soirs
je cueille ces instants, bouche de mes enfants
qui m’indiquent le trésor de l’instant
– j’arrête le temps –
je respire la joie d’être là
Et le vent tourne les pages.

Tout glisse sur moi

Tout glisse sur moi
Je vais bientôt accoucher
Bientôt les cris oubliés me deviendront familiers
Un nouveau corps habitera mon être, mes rêves
Ce corps étranger me deviendra familier
Son prénom même inconnu maintenant va entrer dans ma vie comme on passe une porte pour ne plus me quitter.
J’appréhende le passage que je ne peux anticiper
Agrandir mon cœur et mon corps
Donner sereinement avec amour et humilité
Revivre la fatigue et la joie d’un nouveau né
Répandre mon corps, répondre encore et encore
Accepter
Aimer à s’en déployer l’aile dorsale
et naviguer sereins dans l’océan du quotidien
Balayer, balayer l’eau des craintes, des troubles, de la culpabilité
Continuer à penser
Équilibrer l’équipée, écoper si besoin sans rechigner
Savoir dire non, se délester
Avoir confiance dans la simplicité
Savoir laisser le temps filer, s’écouler
Boire l’eau salée de la maternité
Par vagues – inspirer
Revivre ce rêve
De s’oublier dans l’amour
De s’immerger dans la nouveauté
De l’être à découvrir, à apprivoiser
à orner de pensées douces et fertiles
AIMER
dans toutes les tonalités
des abîmes des entrailles
aux plus vigoureuses tétées
Donner le sein pendant de féminité
Prendre la main,
caresser
Mêler les amours
Tisser
Les sangs, l’hérédité
Continuer
dans l’infiniment invisible
Temps d’éternité.

Blanche, cette maison

Blanche, cette maison dans laquelle je suis assise
Simple, innocente, pure
En elle, les traversées étaient toutes possibles.

Savions-nous, mon amour
ce qu’elle allait devenir ?
Portait-elle en elle-même l’ombre des ruines
comme chaque mort contient la vie ?

Pourtant agrandie cette maison,
ramifiée de portes, de couloirs,
de solides colonnes,
de fenêtres toujours
et de frontons d’utopies.

Dessinée, cette maison,
fallait-il y vivre ?
Les charpentes tombent en ruines.
Est-ce la vrillette de l’amour
qui consomme nos pelles de sable des jours après jours ?

Une grosse feuille a poussé nette
– ou une racine peut être ? –
aurait-elle infiltrée les murs ?

Ce soir, je suis assise
au milieu d’elle
et elle au milieu de moi
cette maison à son tour me dessine
je devine ses fissures
goutte à goutte, elle s’infiltre :
il faut que j’ouvre la fenêtre
pour boire.

Louve parmi les ruines

Louve parmi les ruines
J’erre
Dans cet espace insolite

Fait de peu de moi
mais où ma trace est partout

Choix de passages
naviguent en mon âme

Choisirai-je la porte écarlate ?
Le fronton de la furie qui éclate ?

Fil à la patte
L’incertitude vorace.

Extasiée et nue

Extasiée et nue
à la surface de la terre
je rentre enfin
lisse, ronde et échouée
en bulles d’écume
aussitôt ensevelies
en grottes d’oublis
me marier à l’océan
extasié et nu
épiderme de la terre.

Chaque jour

Chaque jour
Des micro-révolutions en moi
AUTONOMIE !
Prendre le pli …
Tout de suite ?

Se laisser du temps …
Encore ?!
Faire émerger-volontaire
l’équilibre
D’un vaste chaos
Identitaire
Ou laisser faire ?
Délire schizophrénique
Femme-mère
amer goût
de perte
Et de satisfactions
en frustrations
Courir à sa perte ?

Laisse-moi encore du temps
Écrivaine
Réajuster ma polyphonie
Ma polyfolie d’être mère
d’être toute veine
et de m’en trouver vaine
Je te promets
de réajuster les plis
les vides
les non-dits
les cris
Dans une solitude future
Que je trouverai
Sans la vouloir

Illusion de la femme
qui mène
amène et d’un pas leste
et charmant et suave
sa grimace difforme
devant le miroir
cernes noires

Je griffonne provisoirement
mon incapacité à être
celle
qui couche enfant et mari
d’un regard repu
d’amour et de bienveillance.
La lumière-tortue
trotte éclairée
sous sa carapace
de velléités épuisées.

Mon élégance bafouée
saura renaître
des cendres de sa féminité
et le sexe délaissé
rugira sa puissance
à une armée d’amants
diamants imaginaires
couvés par ma plume-réverbère.