Parce qu’entre lui et moi

Parce qu’entre lui et moi
c’est élastique
tu en profites
mignonne créature
pour investir les fêlures
ô ce que tu aimes
tracer de ton petit doigt toutes les bordures
j’admire la rigueur de ton pointillisme,
adorable progéniture.

Petite mue

Petite mue,
petite muse qui s’amuse
aux yeux bleus abysse
aux jambes de nymphette
je parcours les récifs
que tu me désignes
tes fureurs d’Érinye
tes mouvements telluriques
tes secousses sismiques

Je t’envoie des bouées
Tu me lances des cailloux
Je t’entoure de limites
Tu me couvres de bisous

Je ne comprends cet amour
si brut et si doux
qui me recouvre toute.

Extase

J’aimerais que tu m’allonges
dans un de tes tableaux
que toi seul sait faire
sur une forêt immense
qui recouvrirait la terre

J’aimerais que tu traces mes lignes
au fin trait de ton pinceau
que ce trait me dessine, me désigne
et me libère
de la surface de la terre.

Exhortation

Femmes, brûlez-moi au soleil de tous mes désirs
Agrandissez mon trouble de me savoir si multiples
Rendez-moi reine de moi-même dans ce décor si phallique
Femme, je me comprends mieux quand c’est toi qui me parle
J’arpente mieux mon être, tes flous me dessinent
et dans le miroir de ton souffle, le mien se ravive
Je me cherche inconnue dans les plis que tu me désignes
et si tu renonces, il se peut que moi aussi je me résigne
DANSE, DESSINE, ÉCRIS, EXISTE
Je ne veux croire qu’il y ait des territoires où tu sois illégitime.

Avec le froid

Avec le froid
mes fenêtres
s’ouvrent
au doute immense
qui m’empare toute
Le vent glace mes certitudes soudain si frêles
ma sécurité soudain si fragile
ma vie soudain si fébrile

je vacille
flamme de bougie
dans la respiration des soirs
ma nuque est lourde
comme remplie de sable
le temps
qu’il traverse cet hôte-là
je pèse
les jours longs de nuit
la peur insubmersible de mourir
je pèse
de tout mon être
l’incertitude de la route

Tout était si beau, si bien
et il a fallu que le froid arrive
qu’il me saisisse et qu’il m’habite
comme toujours –

comme un oiseau en cage
je me sens comme un oiseau en cage
grimée de larmes qui s’étaient retenues loin
– absorbée
encore tout ce noir
que je croyais parti
mordre la poussière

à nouveau l’effroi
de me sentir illégitime
ça crie à l’intérieur de moi
ne suis-je donc que ça ?
transparente
je suis transparente
là dans mon cocon de noir.

alors je file
prendre la passe
me taire,
me terrer
au fond de l’océan
je plonge
faire couler mon âme
ouvrir cette écoutille
au noir complet
et remplir mes fanons
-ô quiétude du plancton !-
juste mon humble respiration
et m’écouter vivre enfin en paix
avec les autres et moi-même.

Pas de loi salique en poésie ?

Pas de loi salique en poésie ?
Je me fiche du trône,
je brigue l’apothéose
Tant d’ambition parait nécessaire
au sexe de mère
pour apparaître aux côtés d’Homère
Faudra-t-il encore que je pose,
Ma nudité troublant les siècles, l’Église et les verges ?
Plaider pour un sexe
Quelle triste matière
Litanie de 21 siècles !

Chaque jour

Chaque jour
je me couche
repue
d’avoir donné
ma vie
intense
intensément aimante
L’odeur de ce feu
depuis ta naissance
mon corps
ma voix
fragmentés
fragmentaires
et pourtant
entiers
entièrement
présents
ronde est la couleur de mon ombre
ronde la couleur de mes nuits
pour le reste de mes jours.

Je ne suis pas poète

Je ne suis pas poète
Je suis la poésie
Je ne suis pas un livre
Je suis la vie qui porte la vie
Je ne suis pas langage
Je suis la vague avant l’oracle, avant l’orage
Je suis le contraire de l’écrit
Je nais de la terre de l’indicible
Je ne suis pas un siècle
Mais l’esprit qui les traverse
Je suis dans tout, le rien et l’infini
Je ne suis pas connaissance
Je suis l’ignorance qui rêve et qui cherche son chemin
Je ne suis pas utile, je suis nécessaire
l’âme de toute matière.

Lente

Lente
ma migration commence
lentement
mes oiseaux guettent
l’aile aux aguets
le moment de partir
et passagère de mon âme
je m’élance soudain
en un pic de poésie.