Maus

Tu es goulu mon petit état
tu voudrais choisir en tous lieux
la juste place pour moi
ton hémicycle est trop étroit
tu voudrais mon siège, ma voix
mais tu n’auras pas mon courage qui se bat
contre tes lois de chat.

Trois huit

Tu sais que tes poèmes doivent exister
sinon c’est toi qui meurs
Écris-les dans ta cuisine
fille d’usine
écris ton désir d’expression irrémissible
éclaire ton rêve d’être un outil servile
qui s’émancipe
mais ne cherche pas ton rang, ton sexe, ton nom
dans les rayons de l’érudition
ta poésie ne trouvera pas de porte
– sinon morte
pour entrer dans cette légion
trop féminine
pas dans le ton
ce qui se vend, s’exprime
tu ne décides

Fausse bourgeoise
poème prolétaire
âme qui trime.

Je ne crois pas avoir appris

Je ne crois pas avoir appris
ce que je voulais savoir
tant de choses à connaître
mais que veux-tu apprendre ?
Savoir ne peut pas être
déglutir un poème dans un couloir
trier des fruits secs pour les ranger dans un tiroir
peindre la même pomme avec un même pochoir
retenir des titres de chapitres en guise d’Histoire.
Je peux te transmettre
ce que je découvre moi-même avec joie
– pas de monopole au savoir –
et du haut de ton petit âge
découvre la sagesse qui fera de toi
un puits de joie
goûte, bouge, éprouve
expire, exprime, expérimente
trouve des maître.sse.s qui n’en sont pas
sois le gardien de toi-même
la gardienne de ton phare
– le plus sûr chemin pour arriver à soi.

Mon petit homme

Mon petit homme est tendre et sensible
il ne sera jamais ce viking
que vous voulez faire de lui
il est amoureux du monde
et de tout ce qui y vit
quand il rit
il efface vos ruines
il est nourri
par ma veine
à la terre
à autrui
il est l’avenir
invincible
inflexible
indestructible
de l’Amour.

Une belle armée

Femmes
hommes
petits êtres humains
rivés avec obstination
à vos desseins
faites de ce monde
une chose qui mue
transformez-le
de vos mains
le temps d’une vie est brève
sur le chemin de demain
continuons à faire courir
les vignes
les lignes
pour faire tomber les digues.

À ma mère

Je te remercie de m’avoir fait naître
de m’avoir nourrie et élevée
sous l’ombre d’un cerisier
D’avoir porté à ma vue
toutes les tranches des livres de la bibliothèque
– porte-fenêtre –
le deuxième sexe lisais-tu.
Je te remercie d’avoir continué
à chercher des livres de poésie
– tu tombes souvent juste, vois-tu –
alors que la maternité me dévorait
les lucarnes de la lecture –
tous ces livres, toi, quand les lisais-tu ?
Je te remercie de me légitimer –
un enfant-artiste, voulais-tu
et tu m’as affirmée « je l’ai eu ».