40 ans

Dépeins ton coeur
enfin
le vrai, l’abîmé
celui qui te fait pour de vrai
respirer
départis-toi du préjugé
néfaste
que tu nourris
de toi à toi
célèbre
ta beauté fanée
tes seins qui tombent
ton ventre rond
l’argent de tes cheveux blancs –
Quitte ta jeunesse avec vaillance,
avec confiance
rejoins ton errance
– celle que tu as tranquillement bâillonée depuis dix ans –
autorise-toi
un peu d’absence
de contresens, d’excroissance
tu es une femme – comme bien d’autres –
guettée par une routine que tu exècres et …
– qui me condamne à rester dans ce tunnel ? –
Je rêve de sortir de ce piège, de ce sortilège
que je me jette à moi-même ;
l’amour percé
les projets abandonnés
tes poèmes fatigués –
permets-toi de renaître, de te laver, de te lever
et de te retrouver
seule, nue et blessée
face au chaos d’épines que tu croyais t’être enlevées.

Ce soir, j’écris

Ce soir, j’écris
Je ne me déroberai pas
à la lumière de la lune
je ne me cacherai pas
derrière la pleine fatigue
du jour
des enfants
de l’amour
il faut que j’écrive
que j’aille chercher les mots
ou qu’ils sortent du puits
– être une nasse quand le soir arrive
avoir l’âme d’un héron
qui va puiser sans relâche
sa substance
dans la rivière de sa vie.

Ôte-toi de mes soleils

Ôte-toi de mes soleils
tu leur fais de l’ombre
Décale-toi
approche ou recule
je ne sais pas
trouve la bonne distance
débrouille-toi, tu trouveras
je débarbouille, moi
fais quelque chose ou ne fais rien
mais pas comme ça
ne reste pas là
assiste-moi
sois toi
ou plutôt
sois comme moi
autrement mère
éloigne-toi
de moi
de nous
de toi
aligne-toi
je donne le « la »
L’amour ?
Mais il marche, il court même devant toi !
Cela ne te suffit pas ?
Je suis comblée
amère et joie, pas toi ?
Oh tu boudes-tu ne penses qu’à ça …
Ne vois-tu pas tout ce que tu ne fais pas ?
Non ! Ne disparais pas,
j’ai besoin de toi
de ton dos
et de ta voix.

Pleure

Pleure pleure tout contre toi
Les choix perdus
Ceux qu’on a faits pour toi
Ceux que tu t’es imposés
Ceux que tu as ignorés
Parce que tu ne savais pas
Pleure, pleure
et console-toi
Regarde ceux qui s’ouvrent devant toi.

Prologue

Monsieur Mia Couto, je suis votre fille. La fille d’un continent qui n’existe pas encore et dont le drapeau n’est pas encore trouvé – une fille non née si j’ose dire – mais qui naît chaque jour un peu plus sur les confins d’une certaine terre oubliée et pourtant immémoriale. Que ces mots vous soient traduits ou qu’ils s’ensevelissent dans la terre, cela est égal.

La narratrice

Déboussolée

Dix ans ont passé
comme on enfile une chemise
comme on boucle une valise
et je ne sais ce qui m’attend.
Je guette à ma tige
un bouton d’être
et en attendant ma nouvelle inflorescence
le besoin
de me percher
à la cime de mes envies
pour m’indiquer
le Nord de ma vie.

Sophia

J’aimerais, comme toi Sophia
Éclairer le monde
d’une présence auréolée
Traduire la clarté
La beauté de la divinité
Trouver dans la nature
une ressource de pureté
Dévoiler la soie rose des êtres et des choses
Faire glisser d’une plume l’encre éclairée
– peut-être faudrait-il que je parte en Grèce ?
Ce n’est pourtant pas le soleil qui manque. –
Non, je vois un monde fragmenté,
épidémie de violence et de pauvreté
Je me vois, miroir de lacheté,
Chercher la tranquillité.
Pourtant Sophia,
j’aime lire ta nature tressée
entre tes doigts illuminés.
J’aimerais aussi pouvoir
porter cette connaissance sereine
dans les plis de ma robe
et la jeter, drapé de lumière,
sur ma poésie en colère.