Dans ce monde qui glisse

Dans ce monde qui glisse
aux portes de l’Enfer
– QR cerbère –
je cherche l’averse qui dissoudra
cette chanson de geste
barrière
à une humanité toute passagère
du système solaire.

Étrangère au dogme sanitaire,
je rêve – désir élémentaire –
de vivre libre en paix sur cette sphère,
douce chimère
que ne pourra soigner Pfizer.

Je préfère vénérer Démeter
dont nous sommes tous solidaires
qui me rappelle
que chaque saison amère de la Terre
porte en elle un virus salutaire
pour cultiver notre beauté réfractaire

Avant que de retourner à la poussière
Comme l’embrun à la mer.

Ma catalogne

Grimpons à la canopée
Saisir notre joug
Embrasser le chaos qui nous entoure
D’un seul regard empathique
Laissons pousser les fruits climatériques
d’un arbre anarchique :
Agir ou se soustraire
Se suspendre au cocon de l’imaginaire
Quitter son nid
Fleurer le maquis
Se ramasser en boule de posidonie
D’un palétuvier,
marcher vers la mer
Ou rejoindre une branche frontière
À mains nues construire une immense termitière
Qui embaumera la terre

Nous atteindrons la cime de l’espérance humaine,
poussées par un hymne silencieux et libertaire.

Nous sommes un

Nous sommes un, nous sommes dix
nous sommes invisibles
nous sommes indivisibles
nous travaillons dans l’ombre
par vagues nombreuses
dans le reflux des âges
à faire renaître l’homme
et naître la femme
saisons après saisons
germinations d’âmes
innombrables cotylédons
nous bravons et défions
le désastre écologique
l’absurdité économique
le capitalisme pandémique.

Ah la France !

Ah la France !
Les jardins à la française
Versailles, la tour Eiffel
L’empire colonial
Le mythe du cannibale
On taille des haies
On taille des esclaves
Ne soyez pas choquées, Mesdames
Parez-vous de coton,
on entaille des sauvages
oh ! belle tour Eiffel
et toutes toutes les expositions universelles
venez venez acheter de l’ébène
et on vous montrera
qui de l’esclave et qui du maître.

Poème

Poème,
Dévalise le lexique
De ta transhumance d’or
Dévoile l’écrit
Illumine la feuille volubile,
Thésaurise, volatilise,
ressuscite l’Instant
traverse et transperce le Temps transparent.

Le vaisseau tonnerre

Nous attendons un signe favorable,
Nous attendons, inexorables
De cette transe délectable,
Inextinguible,
Que surgisse l’appétit bleu de la nuit,
Que se retourne le gant de nos jours incrédules.

Tonnerre d’espoirs !
De l’alcool,
Que s’ouvre les arcanes du ciel !
De l’encens,
Que s’élèvent les mânes d’un prophète !
De nos autels votifs,
Que chante la parole d’un dieu !
De nos imprécations,
Que se dresse le visage d’une parole !
De nos plantes puissantes,
Que se montre l’écrin du divin !
Des tambours,
Que cède la frontière invisible !
Des fétiches,
Que prenne vie l’icône !
De notre exubérance profane,
Que se répande le règne sacré !

Apparition des terminaisons de l’esprit aux longs doigts verts, agis !

Aux préaux du ciel,
Transmets la magie de nos attentions,
Dis que nous savons qu’il existe,
Dis que nous attendons, toujours plus affables, ses signes,
Dis que nous cherchons, aveugles, sans trouver,
Fais-toi l’interprète de nos questions.

Qu’il tonne !
Nous comprendrons !
Qu’il pleuve !
Nous essuierons !
Qu’il vente !
Nous tiendrons !

Dis encore que nous sommes dans l’erreur et prêts à nous mettre à genoux,
Raconte les mythes auxquels nous croyions, pour qu’il sache qu’il est encore debout parmi nous,
Dis que nous laissons toute puissance sur la terre de notre ignorance,
Dis encore que nos vies suintent d’incertitudes et que nous patientons.

Qu’il noie nos totems !
Nous exhumerons !
Qu’il anéantisse notre savoir !
Nous demeurerons !
Qu’il défigure nos terres !
Nous reconstruirons !

Confie lui enfin, apparition, que nous craignons d’être seuls et emporte avec toi dans ce ciel bleu la trace entière de nos intentions.

La fabrique de l’homme

Tu dévores l’homme, pauvre bête de somme
qui n’a de cesse de ne pouvoir lutter
pour la survie de sa pensée

Tu endors et débordes le désir de l’homme
sous le masque fatigué du confort

Tu t’empares des symboles
t’en pares en farandoles
pour métamorphoser en slogans
nos moindres paroles

La poésie dans nos cols rentrée
tu marques,
signe de ta propriété
la moindre identité
jusqu’à la dénuder
de son altérité
et exacerbes le singulier
de particulier à particulier

Tu vends ta spiritualité
comme un objet encadré
– même l’intime déprime
devient brainstorming
pour un idéal marketing
de la marque d’un jogging –

Tu ravis à l’art son inutilité
Et sublimes l’image comme seul mode de pensée

Tu oxydes notre soif de sacré en avidité
et déconstruis nos rites en faits de société

Tu violes les discours les plus subversifs
pour en faire le signe de la conformité
Tu ériges en modèle la normalité
et taylorises l’originalité
car pour toi l’homme n’est qu’une statue
qui ne pense qu’à parer sa ductilité

Fausse fée Morgane, tu t’ostentes en nécessité
mirant la papauté de la propriété
comme seul Bien digne d’être convoité

Serpent des âges premiers, tu séduis l’homme pour le faire sombrer dans le mythe de sa virilité
tu incarnes l’étalon de la Beauté et foules au pied le visage des minorités

Méphistophélès, tu enlèves ses rides à l’humanité pour flatter son ivresse d’immortalité
évacuant la mémoire des sophistes passés

Tu occupes la superficie de la réflexivité
et laisses peu de place à l’oisiveté
et t’insinues dans les ténèbres de la pensée
jusqu’à supplanter toute autre forme d’autorité

Et sous le décor pâle de l’éternelle jeunesse
Tu rejoues sans cesse la même scène sulfureuse et mordorée
Tu es le fruit jamais rêvé à la bouche de Tantale,
Fruit jamais goûté d’un éternel condamné

Piège de cristal, je t’ai nommée PUBLICITÉ.

Épopée

L’homme a besoin de chausser son ignorance,
Et de retourner à la pleureuse du temps,
Pour se rappeler qu’il a vénéré le soleil et la pluie,
Qu’il a fait des cercles de pierres
Pour implorer les grâces des vents,
Qu’il a longtemps consoler ses morts
Avec des vases d’argile
Et qu’il s’est rappelé souvent
Avec beaucoup d’insouciance
Le mystère de sa naissance.