Si je savais peindre

Si je savais peindre
je dessinerais d’abord
un soleil d’or
dans tes yeux
qui gommerait
tes sourcils sombres,
acides sur le monde

Je dessinerais aussi la grâce
de l’onde, de l’ombre de ton désir
sur le mien
et puis sa vibration

Je dessinerais encore
un alphabet du corps
qu’on pourrait lire quand on s’endort
Je dessinerais en clair
l’interstice de la matière
cette farandole de poussières
qui circule dans l’air
et fait de nous des êtres de chair

Je dessinerais peut être
la quête des âmes muettes

J’aimerais aussi donner des contours au mystère,
une forme plus familière
pour qu’il me serve d’amer

Peut être parviendrais-je
à faire un croquis
d’un esprit qui réfléchit?

Si je savais je dessinerais aussi tout cela
les choses qui comptent et qu’on ne voit pas
l’invisible figure humaine
passagère de ses états
le moment du doute, de la paix, de la peine, de la joie
tous ces moments qui comptent
et qu’on ne voit pas.

Mon rêve d’or

Mon rêve d’or :
une caravane d’espoirs
en marche
au soleil de la vie nomade
qui glisserait de villages en villages
pour agrandir l’espace ;
folie douce
d’une vraie vie
de lionne
au rythme de l’errance
d’une danse
qui guérirait mon âme
de s’être avilie.

Filante

Sédentaire, en prise avec les pierres
Non, ce n’est pas pour moi
Une belle maison bulle
qui s’ouvre à l’énergie nucléaire
J’en ai marre des barrières

Je préfère errer nue
fille d’Étrangère,
avec peut-être
quelques solides lanières de conviction
et encore s’éculeront
le vent pour ami
la poussière comme ultime conseillère
m’habiter entière
– vivre sur la Terre –
maraudant des idées marginales et millénaires.

Je suis la femme réinventée

Je suis la femme réinventée
nue, je me baigne au milieu de projets professionnels
qui font lever les sexes
– je suis l’Alchimique –
je sais aussi dresser les couverts
sans aucune aide ménagère
et donner à manger à la terre entière
impeccable, je gère
indépendance financière, ma féminité, ma maternité et ma carrière
je suis l’Élue,
l’Authentique femme moderne
naturellement spirituelle
Je suis l’Icare qui vole vers le soleil
toujours plus noble, toujours plus belle,
toujours plus sublime dans ma robe de mortelle.

Exhortation

Femmes, brûlez-moi au soleil de tous mes désirs
Agrandissez mon trouble de me savoir si multiples
Rendez-moi reine de moi-même dans ce décor si phallique
Femme, je me comprends mieux quand c’est toi qui me parle
J’arpente mieux mon être, tes flous me dessinent
et dans le miroir de ton souffle, le mien se ravive
Je me cherche inconnue dans les plis que tu me désignes
et si tu renonces, il se peut que moi aussi je me résigne
DANSE, DESSINE, ÉCRIS, EXISTE
Je ne veux croire qu’il y ait des territoires où tu sois illégitime.

Avec le froid

Avec le froid
mes fenêtres
s’ouvrent
au doute immense
qui m’empare toute
Le vent glace mes certitudes soudain si frêles
ma sécurité soudain si fragile
ma vie soudain si fébrile

je vacille
flamme de bougie
dans la respiration des soirs
ma nuque est lourde
comme remplie de sable
le temps
qu’il traverse cet hôte-là
je pèse
les jours longs de nuit
la peur insubmersible de mourir
je pèse
de tout mon être
l’incertitude de la route

Tout était si beau, si bien
et il a fallu que le froid arrive
qu’il me saisisse et qu’il m’habite
comme toujours –

comme un oiseau en cage
je me sens comme un oiseau en cage
grimée de larmes qui s’étaient retenues loin
– absorbée
encore tout ce noir
que je croyais parti
mordre la poussière

à nouveau l’effroi
de me sentir illégitime
ça crie à l’intérieur de moi
ne suis-je donc que ça ?
transparente
je suis transparente
là dans mon cocon de noir.

alors je file
prendre la passe
me taire,
me terrer
au fond de l’océan
je plonge
faire couler mon âme
ouvrir cette écoutille
au noir complet
et remplir mes fanons
-ô quiétude du plancton !-
juste mon humble respiration
et m’écouter vivre enfin en paix
avec les autres et moi-même.