De l’endroit où je suis, il me semble que la terre elle-même commence à bouger. La chaleur m’assomme et au-dessus de l’eau, cette vapeur propre aux mirages se propage. Le cri est unanime : « La terre bouge ! ». Je pensais que c’était les nuages. Mais la terre avance, non, elle navigue à une vitesse à peine perceptible, à la vitesse d’un nuage exotique. Le paysage avance indéniablement sur la mer. Où va-t-il ?
On dit maintenant sans trembler que c’est l’Afrique sans drapeau qui a décidé, on dit que la terre aimante, à nouveau vénérée, attire à elle les bouts du monde, que l’île va rejoindre d’autres îles et qu’elles vont se ressouder. On dit encore que la navigation ne fait que commencer. Je me sens moins seule sur cette île. Il me semble que la terre se rapproche d’une autre terre et que la rumeur s’amplifie. Il me semble entendre des cris de joie venant des boutres revenues de par-delà la mer ; il me semble qu’une surprise nous y attend aussi lumineuse que le soleil qui envahit l’atmosphère, aussi puissante que le souffle du vent qui bat sur la colline. C’est un vent fort qui souffle en tous sens et qui n’est pas pressé de nous faire arriver : il évente et régénère ce que nous croyions perdu.