Depuis

Depuis que tu as émis ton cri de papillon dans la nuit de l’île
Les jours filent l’arabesque de la vie
Je passe inlassablement le lacet du futur
dans les mailles de l’éternel retour du quotidien
Je baigne ta stupeur d’Aurore,
répète les saisons qui grandissent
Je brosse l’opulence de tes désirs, tresse le désordre de ta volonté qui se construit
Je couche mes rêves dans ton être à venir
et sous ma langue mon amour infini
coud patiemment ton sac à dos de chrysalide –
Et puis m’envolerai comme un ruban à tes cheveux d’or.

Conversation

Conversation de petite fille
Conversation de grande fille
J’aime cet après midi
Te tenir la main sur le chemin buissonnier de nature
où tu me racontes le printemps qui viendra
Vivre mille fois encore cet infini présent qui me rend vivante.

Tu tiens le secret

Tu tiens le secret de Pandore
Dans tes petites mains
Cette boite ciselée d’infinis
Qui contient ton être et le mien
Toi seule sait l’ouvrir
Pour y ranger pêle-mêle
Le passé, le présent et l’avenir
Dans une langue inaccessible au Temps.

Les blés sont dorés désormais

Les blés sont dorés désormais
et ta vie s’allonge, comme la rose joufflue,
à l’ombre des matins et des soirs
je cueille ces instants, bouche de mes enfants
qui m’indiquent le trésor de l’instant
– j’arrête le temps –
je respire la joie d’être là
Et le vent tourne les pages.

Tout glisse sur moi

Tout glisse sur moi
Je vais bientôt accoucher
Bientôt les cris oubliés me deviendront familiers
Un nouveau corps habitera mon être, mes rêves
Ce corps étranger me deviendra familier
Son prénom même inconnu maintenant va entrer dans ma vie comme on passe une porte pour ne plus me quitter.
J’appréhende le passage que je ne peux anticiper
Agrandir mon cœur et mon corps
Donner sereinement avec amour et humilité
Revivre la fatigue et la joie d’un nouveau né
Répandre mon corps, répondre encore et encore
Accepter
Aimer à s’en déployer l’aile dorsale
et naviguer sereins dans l’océan du quotidien
Balayer, balayer l’eau des craintes, des troubles, de la culpabilité
Continuer à penser
Équilibrer l’équipée, écoper si besoin sans rechigner
Savoir dire non, se délester
Avoir confiance dans la simplicité
Savoir laisser le temps filer, s’écouler
Boire l’eau salée de la maternité
Par vagues – inspirer
Revivre ce rêve
De s’oublier dans l’amour
De s’immerger dans la nouveauté
De l’être à découvrir, à apprivoiser
à orner de pensées douces et fertiles
AIMER
dans toutes les tonalités
des abîmes des entrailles
aux plus vigoureuses tétées
Donner le sein pendant de féminité
Prendre la main,
caresser
Mêler les amours
Tisser
Les sangs, l’hérédité
Continuer
dans l’infiniment invisible
Temps d’éternité.

Chaque jour

Chaque jour
Des micro-révolutions en moi
AUTONOMIE !
Prendre le pli …
Tout de suite ?

Se laisser du temps …
Encore ?!
Faire émerger-volontaire
l’équilibre
D’un vaste chaos
Identitaire
Ou laisser faire ?
Délire schizophrénique
Femme-mère
amer goût
de perte
Et de satisfactions
en frustrations
Courir à sa perte ?

Laisse-moi encore du temps
Écrivaine
Réajuster ma polyphonie
Ma polyfolie d’être mère
d’être toute veine
et de m’en trouver vaine
Je te promets
de réajuster les plis
les vides
les non-dits
les cris
Dans une solitude future
Que je trouverai
Sans la vouloir

Illusion de la femme
qui mène
amène et d’un pas leste
et charmant et suave
sa grimace difforme
devant le miroir
cernes noires

Je griffonne provisoirement
mon incapacité à être
celle
qui couche enfant et mari
d’un regard repu
d’amour et de bienveillance.
La lumière-tortue
trotte éclairée
sous sa carapace
de velléités épuisées.

Mon élégance bafouée
saura renaître
des cendres de sa féminité
et le sexe délaissé
rugira sa puissance
à une armée d’amants
diamants imaginaires
couvés par ma plume-réverbère.

Avant toi

Avant toi,
le temps gisait à profusion
et je ne maugréais pas.

Avant toi,
je n’avais pas peur de la mer
ni de l’orage
ni du froid
ni du vent qui cogne contre la montagne
et je ne distinguais pas le message des lunes.

Avant toi,
mon corps était seule
et l’amour était flamme, tempête et vague.

Avant toi,
les scarabées et le nombre de leurs pattes m’importait peu.

Avant toi,
je ne savais pas être là,
construire inlassablement des barrages
répéter des couleurs, chanter des noms de fleurs.

La responsabilité ? Je n’en avais pas.
La fatigue ? Je ne la connaissais pas.
Je dormais repliée sur ma peur,
elle ne cernait que moi.
Je ne savais pas la violence
Je méconnaissais mon histoire
Grâce à toi, je prends souvent l’enfant que j’étais dans mes bras.

Avant toi, je pensais pouvoir dire et saisir
Et me voilà dans l’océan de l’innommable
Avec mes doutes qui gesticulent en moi
Construire et sans cesse tout remettre à plat
Et entre temps cuisiner de bons petits plats
Vertige de douceur
Amertume et joie
Je vois bien que la terre n’est ronde
qu’à travers toi.