Ôte-toi de mes soleils

Ôte-toi de mes soleils
tu leur fais de l’ombre
Décale-toi
approche ou recule
je ne sais pas
trouve la bonne distance
débrouille-toi, tu trouveras
je débarbouille, moi
fais quelque chose ou ne fais rien
mais pas comme ça
ne reste pas là
assiste-moi
sois toi
ou plutôt
sois comme moi
autrement mère
éloigne-toi
de moi
de nous
de toi
aligne-toi
je donne le « la »
L’amour ?
Mais il marche, il court même devant toi !
Cela ne te suffit pas ?
Je suis comblée
amère et joie, pas toi ?
Oh tu boudes-tu ne penses qu’à ça …
Ne vois-tu pas tout ce que tu ne fais pas ?
Non ! Ne disparais pas,
j’ai besoin de toi
de ton dos
et de ta voix.

Jours lents

Jours lents de convalescence
Je veille la fièvre
qui t’ensommeille
Toi qui hier m’agaçait
avec ta vie qui battait
les portes, le vent, les cuillères
Je guette, impatiente, le moment
où tout sera redevenu pareil.
Tes cris, tes mots, tes sauts
Qu’il te quitte
ce tourbillon de fièvre,
qu’il te rende à la merveille d’une vie vivante
ma si petite tourterelle.

Enfant

Alvéole de mémoire et de nouveauté
Coquille de temps, niche d’immortalité
Descendance des astres
Labyrinthes d’éternité
Lucarne d’âme, vasques à modeler
Pépites de sables pulvérisables
Machine à explorer
Grainier à rêves, douce pharmacopée
Fontaine d’énergie, cristaux d’hérédité
Rivière d’épingles, pleine d’acuité
Carpe des rivières, insigne de liberté
Précieuse présence au monde
pour me rappeler
notre foncière indocilité.

Matins de bestiaire

Dans quel animal te lèves-tu ?
J’aime quand tu te lèves, petite reine
dans ton costume de chat
te faufiler entre les draps

J’aime quand tu te lèves
plumes au bec, tourterelle
et que tu roucoules
au creux de mon cou

J’aime quand tu te lèves
petite souris
et que tu grignotes en secret
tes tartines beurre miel

Non ? ce matin c’est l’abeille
qui bourdonne à mes oreilles ?

Non ? ce matin c’est le lion
qui rugit de colère
d’avoir toujours et encore un petit frère ?

Tu ne vois pas bien sûr,
que la boule lovée auprès de moi
agrandit mon amour pour toi

Tu ne vois pas bien sûr,
ma fierté de tigresse
pour tous les bonds que tu fais

Il arrive que tu bondisses de travers
Je pense qu’il est de mon devoir de t’indiquer où tu vas
Des branches cassent des fois , il faut savoir où s’accrocher mon petit chat.
Non, tu ne comprends pas ?

Et bien ce matin, surprise
C’est moi la lionne mère
Je dévaste le déjeuner avec mes griffes acérées : ASSEZ !
Mon amour n’a pas de limites mais tu as pénétré une zone interdite et crois-moi je connais pléthore d’animaux fantastiques : ASSEZ !

Assez, cher ange, je vois que tu souffres
Viens mon lapin, viens mon poussin
Viens mon grand baleineau,
Promenons-nous dans l’eau parfois amère
de la relation fille-mère.

Parce qu’entre lui et moi

Parce qu’entre lui et moi
c’est élastique
tu en profites
mignonne créature
pour investir les fêlures
ô ce que tu aimes
tracer de ton petit doigt toutes les bordures
j’admire la rigueur de ton pointillisme,
adorable progéniture.

Petite mue

Petite mue,
petite muse qui s’amuse
aux yeux bleus abysse
aux jambes de nymphette
je parcours les récifs
que tu me désignes
tes fureurs d’Érinye
tes mouvements telluriques
tes secousses sismiques

Je t’envoie des bouées
Tu me lances des cailloux
Je t’entoure de limites
Tu me couvres de bisous

Je ne comprends cet amour
si brut et si doux
qui me recouvre toute.

Chaque jour

Chaque jour
je me couche
repue
d’avoir donné
ma vie
intense
intensément aimante
L’odeur de ce feu
depuis ta naissance
mon corps
ma voix
fragmentés
fragmentaires
et pourtant
entiers
entièrement
présents
ronde est la couleur de mon ombre
ronde la couleur de mes nuits
pour le reste de mes jours.

Mes matins

Mes matins ont la couleur de la nuit
Et avant que l’Aube n’ouvre sa pupille
J’enfile le collier des jours
Celui qui ternit ma beauté
Mais agrandit mon être
De vous porter je m’épuise
Et les nuits ne suffisent
Mais demain dans vos yeux
J’irai puiser à la source des jours
Pour revenir plus belle encore
Dans ma robe de patience.

J’ai porté la terre

J’ai porté la terre
ronde, grosse et volumen
En moi,
son mouvement tellurique
ses poussées imprévisibles
sa sérénité d’eau dormante
sa croissance inextinguible de graine
J’ai senti le liquide
sur quoi tout repose,
sur lequel nous reposons tous
Et j’ai senti l’épiderme de la nuit qui passe la porte du jour.
En moi encore la trace
de la douleur, de la douceur
du cri de la force de l’éruption qui pousse
que rien n’arrête et qui coule –
Une douce violence que de naître à la lueur des jours.