La fabrique de l’homme

Tu dévores l’homme, pauvre bête de somme
qui n’a de cesse de ne pouvoir lutter
pour la survie de sa pensée

Tu endors et débordes le désir de l’homme
sous le masque fatigué du confort

Tu t’empares des symboles
t’en pares en farandoles
pour métamorphoser en slogans
nos moindres paroles

La poésie dans nos cols rentrée
tu marques,
signe de ta propriété
la moindre identité
jusqu’à la dénuder
de son altérité
et exacerbes le singulier
de particulier à particulier

Tu vends ta spiritualité
comme un objet encadré
– même l’intime déprime
devient brainstorming
pour un idéal marketing
de la marque d’un jogging –

Tu ravis à l’art son inutilité
Et sublimes l’image comme seul mode de pensée

Tu oxydes notre soif de sacré en avidité
et déconstruis nos rites en faits de société

Tu violes les discours les plus subversifs
pour en faire le signe de la conformité
Tu ériges en modèle la normalité
et taylorises l’originalité
car pour toi l’homme n’est qu’une statue
qui ne pense qu’à parer sa ductilité

Fausse fée Morgane, tu t’ostentes en nécessité
mirant la papauté de la propriété
comme seul Bien digne d’être convoité

Serpent des âges premiers, tu séduis l’homme pour le faire sombrer dans le mythe de sa virilité
tu incarnes l’étalon de la Beauté et foules au pied le visage des minorités

Méphistophélès, tu enlèves ses rides à l’humanité pour flatter son ivresse d’immortalité
évacuant la mémoire des sophistes passés

Tu occupes la superficie de la réflexivité
et laisses peu de place à l’oisiveté
et t’insinues dans les ténèbres de la pensée
jusqu’à supplanter toute autre forme d’autorité

Et sous le décor pâle de l’éternelle jeunesse
Tu rejoues sans cesse la même scène sulfureuse et mordorée
Tu es le fruit jamais rêvé à la bouche de Tantale,
Fruit jamais goûté d’un éternel condamné

Piège de cristal, je t’ai nommée PUBLICITÉ.